Lorsqu'on parle du tempérament, on pense aux traits fondamentaux d'une personne qui perdurent dans le temps. À l'Université d'Osnabrück, le professeur Julius Kuhl s'est exprimé sur cet aspect de notre personnalité dans sa théorie PSI. Ses propos soulèvent la question si le TDAH ne serait qu'une forme très prononcée du tempérament d'une personne.
Vous connaissez certainement des personnes qui débordent d'énergie et de vivacité, tandis que d'autres sont très réservées et prudentes. De tels profils d'action ne se limitent pas à des situations spécifiques, mais sont présents toute une vie. Déjà chez les petits enfants, vous pouvez observer à quel point ils peuvent être différents. Chaque personne a sa propre façon de réagir à son environnement, d'exprimer ses sentiments et d'entrer en relation avec les autres. Vous pouvez également observer cela chez les animaux comme les chiens et les chats.
Le mystère de la diversité humaine
Depuis les temps anciens, l'humanité s'interroge sur les différences entre les individus et tente de les expliquer. Pourquoi certains sont-ils prompts à la colère, tandis que d’autres se montrent calmes et rêveuses ? La quête de compréhension des différences individuelles est aussi ancienne que l'humanité elle-même. Déjà les anciennes civilisations avaient développé des systèmes sophistiqués pour catégoriser les personnalités.
Dans la Chine antique, la philosophie du Yin et du Yang, couplée à la théorie des cinq éléments, offrait déjà un cadre conceptuel pour expliquer les variations de tempérament. Parallèlement, en Inde, le système ayurvédique proposait une classification des individus en trois types de constitution, Vata, Pitta et Kapha, chacune associée à des traits de personnalité spécifiques. Ces approches holistiques, liant le microcosme humain au macrocosme universel, témoignaient d'une intuition profonde sur l'interconnexion entre le corps, l'esprit et l'environnement.
Les anciennes conceptions occidentales
Les philosophes et médecins grecs, comme Hippocrate et Galien, sur les tempéraments, reliant les comportements humains aux humeurs corporelles. Leur théorie comporte quatre tempéraments principaux :
sanguin : gai, insouciant, optimiste, curieux
mélancolique : silencieux, pessimiste, pensif, passif
flegmatique : calme, patient, fiable, rationnel
colérique : énergique, agité, agressif, impulsif
Les savants médiévaux, héritiers du savoir antique enrichi par les apports de la science arabe et perse, ont élaboré des traités complexes sur les tempéraments.
Ces classifications visaient à comprendre et à prédire les réactions et les dispositions des individus face aux situations de la vie. Bien que ces idées semblent simplistes aujourd'hui, elles ont jeté les bases de la psychologie de la personnalité d'aujourd'hui.
La base constitutionnelle de la personnalité
En psychologie, le terme de « tempérament » désigne les traits de personnalité fortement héréditaires qui persistent dans le temps. Ces traits innés représentent la dimension biologique et instinctive de la personnalité. C'est l'aspect de la personnalité qui se manifeste le premier.
Selon le psychologue polonais Jan Strelau, le tempérament comporte les caractéristiques suivantes :
Déterminé biologiquement : Il est en grande partie hérité et lié à notre système nerveux central.
Manifeste dès l’enfance : il se manifeste très tôt dans la vie, avant que des influences culturelles ou sociales importantes n’aient eu le temps de façonner les traits de personnalité.
Stable dans le temps : Les traits de tempérament restent relativement stables tout au long de la vie, bien qu'ils puissent s'exprimer différemment selon les situations.
Non spécifique à une situation : Il se manifeste dans une variété de contextes et influence la façon dont nous réagissons aux événements.
Indépendant de l'apprentissage : Bien que l'environnement puisse moduler l'expression du tempérament, les traits de base sont considérés comme innés.
Ces caractéristiques influencent principalement les aspects formels du comportement, tels que son intensité, sa vitesse et sa réactivité aux stimuli.
Une explication neurobiologique
Dans le tronc cérébral se situe la formation réticulée qui est constituée d'un réseau de neurones. Dans sa fonction ascendante, elle joue un rôle important en ce qui concerne le tempérament :
Elle filtre les informations sensorielles en diminuant les influx sensoriels répétitifs et ne laisse passer que les influx importants, évitant ainsi la surcharge d'informations à traiter. C'est pourquoi vous n'avez probablement pas remarqué le bruit fait par la ventilation de votre ordinateur jusqu'à ce que vous lisiez cette phrase. Comme ce bruit se répétait, il a été écarté.
Dans sa fonction motrice, la formation réticulée intervient dans le maintien du tonus musculaire et dans la coordination des contractions des muscles striés squelettiques.
La formation réticulée agit comme un réceptacle de toutes les informations sensorielles, soit externes ou internes, et de toutes les activités motrices. Plus cet afflux active la formation réticulée, plus elle a un effet énergisant en retour sur les systèmes sensoriels et moteurs. Il s'agit d'une centrale de production d'énergie dans le cerveau qui s'exprime à deux niveaux :
L'excitation sensorielle met en alerte les systèmes impliqués dans la perception interne et externe. L'excitation abaisse donc en premier lieu les seuils de perception. En conséquence, vous percevez plus intensément ce que se présente à vous.
L'activation motrice augmente la volonté d'agir. Il en résulte que votre comportement devient plus impulsif.
Une centrale de production d'énergie
Le tempérament fait partie des sept niveaux de la personnalité que le professeur Julius Kuhl de l'Université d'Osnabrück décrit dans sa théorie PSI. Il s'agit d'un système de base qui est principalement déterminé par les gènes et définit votre niveau de pure énergie intérieure. Cette énergie peut se diriger vers l'extérieur sous forme d'actions physiques ainsi que vers l'intérieur au niveau sensoriel où elle déclenche des sensations et des pensées. Mais elle ne vise pas d'objectif particulier. Le tempérament s'exprime à deux niveaux différents
Le tempérament sensoriel
Un aspect du tempérament concerne le niveau d'excitation dans le domaine de la perception et des sensations.
Tempérament sensoriel élevé : Une forte excitation sensorielle implique un seuil de stimulation très bas et une grande nervosité intérieure qui n'est guère visible de l'extérieur. Chaque input de l'extérieur, même insignifiant, peut entraîner une cascade d'idées à l'intérieur. L'attention est alors submergée par l'énorme flot de ressentis et de pensées. De ce fait, les personnes concernées sont souvent perçues comme étant déconnectées du monde et rêveuses.
Tempérament sensoriel faible : Les personnes dont l'excitation sensorielle est faible ont plus de facilité à se concentrer sur les signaux du monde extérieur. Mais leur perception est moins fine et les stimuli subtils leur échappent facilement. Leur vie intérieure est donc moins riche.
Un tempérament sensoriel élevé va de pair avec une perception sensoriel intense et une cascade d'idées. L'attention est focalisée sur les sensations, les ressentis et les pensées. Cela peut être inopportun dans certaines situations, en empêchant la personne de porter son attention suffisamment sur ce qui se passe autour d'elle. En même temps, ce fonctionnement présente un grand potentiel créatif, parce qu'il implique l'accès à un monde intérieur très riche et varié. Ce mécanisme rappelle le modèle de filtre que j'ai présenté dans un article précédent.
Le tempérament moteur
L'autre forme de tempérament est liée à l'activation physique, qui se manifeste par le mouvement et l'action. Elle influence votre degré d'agitation physique.
Une activation motrice élevée peut se manifester en tant qu'impulsivité. Si l'activation moteur est très élevée, la personne peut avoir des difficultés à se tenir tranquille sans bouger. Pour une telle personne, la perspective de devoir passer des vacances majoritairement allongées sur une chaise longue est affreuse. Elle a besoin d'une activité pour se reposer.
Une activation motrice très basse peut être perçue comme inhibition physique. Les personnes dont l'activation motrice est très faible sont plutôt inertes et il leur faut un bon moment pour devenir actives.
Les personnes ayant un niveau d'excitation élevé ont une grande facilité à s'activer et à passer à l'action rapidement. Par contre, le niveau bas permet de garder une posture calme et retenue.
Réaction primaire et secondaire
Vos actions, vos pensées et vos ressentis sont influencés par votre tempérament. Dans une situation donnée, il façonne votre réaction primaire qui est déclenchée immédiatement et sans aucun effort. Selon Kuhl, la réaction primaire est l'action affective et cognitive qui se manifeste en premier. Elle est principalement déterminée par les gènes, mais dépend également de facteurs épigénétiques et d'expériences vécues dans la petite enfance. C'est pourquoi elle est solide et difficile à changer. Vous êtes pour ainsi dire à leur merci.
Pouvez-vous agir à l'encontre des impulsions de votre tempérament ? En principe, oui. Vous pouvez mettre en place une réaction secondaire qui vous permet d'agir différemment de ce que vous feriez spontanément. Au fil du temps, votre réaction secondaire sera déclenchée de plus en plus vite jusqu'à ce qu'elle occulte votre réaction primaire.
L'établissement d'une réaction secondaire est une bonne chose. Cela vous rend plus flexible dans vos actions, afin d'éviter les inconvénients de votre réaction primaire si nécessaire. Il est donc certainement préférable de rester calme dans un premier temps, plutôt que d'attaquer physiquement quelqu'un qui vous énerve. Cependant, si le tempérament est extrême, cette solution connaît ses limites.
Le tempérament et le TDAH
Tant que votre tempérament reste dans la moyenne, personne n'y prêtera attention. Cependant, plus qu'il sort de la norme, étant extrêmement faible ou prononcé, plus vous et votre entourage le remarquera.
La psychologue Nicole Bruggmann, la directrice de l'Institut PSI à Zurich, met le tempérament en lien avec le TDAH, où la classification DSM-5 distingue trois types :
À prédominance d'inattention
À prédominance d'hyperactivité / impulsivité
Mixte
On estime qu'environ 60% des adultes avec TDAH appartiennent au type mixte, 35% au type inattentif et 5% au type hyperactif.
Curieusement, ces trois types correspondent aux trois manifestations très marquées du tempérament.
Type inattentif : le tempérament sensoriel très fort est facilement perçu comme un « déficit d'attention ». C'est l'agitation intérieure forte qui empêche la personne de diriger son attention suffisamment vers le monde extérieur.
Type hyperactif / impulsif : le tempérament moteur aigu se manifeste en tant qu'hyperactivité et d'impulsivité. La personne possède en elle une énorme énergie motrice qui a besoin de s'exprimer.
Type mixte : Si les deux types du tempérament sont très élevés, ce que vous percevez ressemble tout à fait au « trouble du déficit d'attention et de l'hyperactivité » TDAH.
Les points à retenir sur le tempérament
Le tempérament est l'aspect quasiment inné de votre personnalité et il est fortement déterminé par votre héritage génétique. Il s'agit des traits fondamentaux qui vous marquent de votre naissance à la fin de votre vie.
Le tempérament selon la conception particulière de Kuhl détermine l'énergie pure que votre corps met à disposition au niveau sensoriel et moteur. Une très forte excitation sensorielle fait que les impressions, les pensées et les ressentis sont plus intenses. Ces activités internes, ce « bruit dans la tête », empêchent les personnes concernées de porter leur attention pleinement vers leur environnement, d'où leur inattention par rapport au monde extérieur.
Une extrême activation motrice, par contre, pousse la personne à devenir active et à bouger. Dans notre société, une personne qui est tout le temps en mouvement, qui coupe la parole aux autres et qui s'impatiente rapidement est mal vue. C'est encore pire pour les enfants en classe, où le silence et l'immobilité sont exigés.
Il faut garder à l'esprit que le tempérament n'est qu'un des sept niveaux de la personnalité de Kuhl. D'autres éléments de la personnalité peuvent l'atténuer, le renforcer ou l'orienter dans une certaine direction.
Le TDAH – comme un tempérament hors norme
L'expression d'un tempérament extrême correspond aux traits des personnes avec un TDAH qui est caractérisé par l'inattention et/ou l'hyperactivité / l'impulsivité. Comme il est inné, la personne peut difficilement contrôler une grande partie de ses effets. Bien qu'une personne puisse normalement établir une réaction secondaire pour déjouer sa réaction primaire, cela n'est malheureusement souvent guère possible si le tempérament est extrêmement marqué, comme c'est le cas pour les personnes avec un TDAH.
Demander à une telle personne de vivre totalement contre leur nature est irréaliste et même blessant pour la personne concernée, qui ne peut tout simplement pas faire autrement. La solution consiste à trouver un environnement approprié où le tempérament prononcé peut bénéficier à tout le monde. Pour en nommer quelques de leurs points forts :
au niveau sensoriel : pensée créative et innovatrice, hyperfocus, ouverture d'esprit, bonne imagination
au niveau moteur : énergie physique, dynamisme, hyperfocus, spontanéité, volonté à prendre des risques
Un cerveau qui fonctionne un tout petit peu différemment est à l'origine du TDAH. Ce n'est pas quelque chose de négatif en soi. C'est l'environnement qui détermine s'il s'agit d'un avantage ou d'un inconvénient. Dans de bonnes conditions, le tempérament des personnes avec TDAH est un atout dont leur entourage profite aussi. Plutôt que de lutter contre, il convient de comprendre leur différence et de prendre leurs besoins au sérieux. Finalement, tout le monde en profitera.
Sources principales :
– KUHL, Julius et QUIRIN, Markus Rainer, 2025. Persönlichkeitspsychologie: Motivation, Kognition und Selbststeuerung: ein integratives Lehrbuch. 2., vollständig überarbeitete Auflage. Göttingen : Hogrefe Verlag. ISBN 978-3-8017-3258-5. (ouvrage en allemand)
– Article sur la formation réticulée : https://ressources.unisciel.fr/physiologie/co/grain5_5b.html
– Répartition des trois types de TDAH chez les adultes : https://www.adxs.org/de/page/50/die-subtypen-von-adhs-adhs-hi-adhs-c-mischtyp-adhs-i-ads-adhs-ri-restricted-inattentive-und-andere
Auteur de l'article : Beát Edelmann, expert en neurodiversité (autisme, TDAH et HPI) et en exploration de la personnalité. Il a fondé Abundana, l'institut pour la gestion de soi à Genève et à Berne qui propose des services de coaching, de formation et de conseil en français, en anglais et en allemand.
LinkedIn : Celles et ceux qui souhaitent liker, commenter ou partager cet article sur LinkedIn, peuvent utiliser le lien suivant: